Formation barista, communication, reconversion : ITW avec Thomas Hierthes
Thomas Hierthes est barista en chef et formateur chez Lomi. Communicant de formation, c’est en Nouvelle-Zélande qu’il sert ses premiers cafés, et se découvre une passion. Entre théorie et pratique, Thomas nous livre les secrets d’un bon barista à travers son propre parcours.
Que fais-tu chez Lomi et depuis quand ?
Je suis arrivé ici il y a un an et demi. J'ai rejoint l’équipe en tant que barista. Après quelques mois, j’ai pris le poste de barista en chef. Mon travail est de m’assurer que le café qu’on sert est bon, de définir des recettes pour chaque café, d’animer la carte des dégustations et de proposer des recettes différentes selon les cafés, de faire du contrôle qualité, de m’assurer qu’il y ait une stabilité dans ce qu’on sert au coffee shop. Cela passe par des analyses avec le TDS par exemple. Je suis également formateur au sein de l’Ecole Lomi, auprès des particuliers (ateliers découverte).
Etais-tu barista avant de travailler ici ?
Ce serait un peu ambitieux de dire barista, mais je faisais du café en Nouvelle-Zélande. C’est là que j’ai vraiment commencé mon parcours. J’ai eu trois emplois différents là-bas. J’ai vraiment eu un poste de barista ensuite en rentrant à Lille chez Coffee Makers. J’ai rencontré des gens vraiment sympas et passionnés, pas du tout issus du café non plus, mais plutôt en reconversion. L’équipe était plus expérimentée que moi, ils savaient où ils allaient, torréfiaient aussi sur place, avaient un vrai questionnement sur le service de café de spécialité. J’y ai appris tous les bons gestes, sur l’espresso, la texturisation du lait, et la vie quotidienne d’un coffee shop.
Comment es-tu devenu barista en Nouvelle-Zélande ?
Un peu par hasard ! J’ai toujours bien aimé la nourriture et les boissons, le fait de goûter des choses. C’est un pays où il y a beaucoup de coffee shops et de lieux hybrides entre boulangeries, restaurants, des mélanges d’univers qu’on a peut-être moins en France, mais où le café est toujours bon. J’avais besoin d’argent pour continuer à voyager. A l’époque, j’avais proposé d’être front of house, le serveur qui accueille et installe les clients, et qui touche un peu à la machine à café… J’étais allé un peu vite en disant que je pouvais faire du café, je me suis rendu compte que c’est un métier qui nécessite des compétences très techniques, et qui exige un certain rythme. J’ai commencé serveur, et avec persistance j’ai réussi à approcher la machine en demandant à mes collègues s’ils pouvaient me former un peu. Dans les faits, je pouvais toucher à la machine entre 6h et 7h du matin (rires).
L’endroit où je travaillais (Olaf’s Bakery à Auckland) avait du café de très bonne qualité, fourni par Supreme, qui est une entreprise un peu similaire à Lomi, puisqu’elle propose du grain de café, de l’équipement et des formations. C’est comme ça que j’ai suivi une formation d’une matinée qui couvrait les bases du métier de barista. Ensuite, je me suis payé une formation de trois jours, beaucoup plus complète, avec de la théorie et de la pratique. Cette formation m’a aidé à trouver d’autres jobs plus facilement.
Qu’est-ce qui t’a attiré dans l’univers du café ?
Avant, j’étais un buveur de café classique : avec du sucre, et quasiment jamais fait maison. Une fois, en allant dans un coffee shop, j’ai demandé le single origin du moment et le barista m’a fait couler un Ethiopie en V60 vraiment délicieux, une sacrée claque ! J’ai senti une palette aromatique folle, j’avais l’impression de boire autre chose que du café. En commençant à travailler dans le milieu, j’ai eu de plus en plus de belles découvertes, j’ai apprécié travailler avec mes mains et m’intéresser aux origines, au terroir, et à la torréfaction. La passion est vite née.
Tu n'étais pas destiné à travailler dans le café. Quel est ton parcours initial ?
J’ai fait des études de communication et étais particulièrement porté sur les questions d’écologie. J’ai travaillé trois ans dans la communication, durant lesquels il ne m’était jamais venu à l’idée de travailler dans la restauration ou dans le café. J’étais loin de me rendre compte de la complexité du projet, du fait que les coffee shops s'intègrent dans une vie de quartier. Les études de communication étaient vraiment très bien, mais je faisais face à une perte de sens sur mon métier au quotidien, sur ce dont j’avais vraiment envie. J’aime beaucoup tout ce qui est lié à la nourriture, donc au début le café m’est apparu comme un échappatoire, une façon de ne plus faire de la communication, puis c’est devenu un choix de vie. Il a fallu que j’accepte l’idée de finalement travailler dans une voie différente de celle de mes études. Le café est apparu comme une suite logique, puisqu’il y a aussi une démarche intellectuelle sur le café de spécialité, pourquoi on en fait, et son avenir.
Tu es aussi formateur, comment se fait la transition du bar à l’enseignement ?
Il n’y a pas vraiment de transition. Ce que je fais au bar est déjà énormément dans la transmission et l’apprentissage. Le travail du barista est de transmettre les informations tout en s’adaptant au client, à ce qu’il a envie de savoir ou non. Toutes mes expériences depuis le début sont vraiment portées là-dessus. Ce sont des endroits où on paye son café plus cher qu’ailleurs, où on n’est pas dans la consommation de café de masse classique. Il faut arriver à l’expliquer. C’est donc assez naturel d’aller vers la formation.
Ces formations destinées à des particuliers peuvent-elles leur servir à découvrir le métier de barista ?
Tout à fait, notamment l’atelier “De la plante à la tasse” qui aborde plein de sujets essentiels, comme les origines, les processus, la traçabilité, tout ce qui fait la complexité du café et du café de spécialité. C’est une bonne porte d’entrée. L’atelier espresso est assez poussé aussi et permet de bien comprendre comment fonctionne une machine et de mieux travailler le café à la maison.
3 erreurs à ne surtout pas commettre quand on est barista ?
Première erreur : se dire qu’on a la science infuse et se convaincre que ce qu’on sait et fait est la seule manière de voir les choses.
Ensuite, il ne faut pas avoir peur de demander des retours. Le retour des gens est très important pour ajuster, apprendre, s’améliorer.
Enfin, une autre erreur serait de passer un peu trop de temps sur la précision et l’aspect technique et oublier le plaisir derrière. Ça reste un produit de partage et de convivialité.
Comment se passe le quotidien du coffee shop en cette période de confinement ?
(Nous sommes ouverts pour de la vente de grains de café et de boissons à emporter.)
Le commerce de quartier qui promeut l’artisanat est vraiment apparu comme un élément assez important en temps de covid. On sent qu’on a tous vécu quelque chose de complètement nouveau, qui chamboule tout le monde. J’ai l’impression que ça fait du bien à tout le monde de sortir et d’avoir un contact humain avec les barista. On reste sur ce flux de clientèle de quartier, avec beaucoup d'habitués. J’ai l'impression que ça crée un lien à l’échelle du quartier et de la ville, qui peut vite être impersonnelle. Les journées sont longues, mais on crée un lien qu’on garde avec ces gens qu’on voit tous les jours. C’est vecteur de lien social, ça contribue à dynamiser le quartier, et ça crée du passage, donc c’est vraiment positif d'avoir ce type de structure. On sent qu’il y a aussi une solidarité entre commerces similaires, je pense à la laiterie de Paris, En Vrac. ça a plus de sens de venir acheter du café ici qu’en grande surface, où il y a foule. C’est une démarche locale et solidaire.
Quelle est ta routine café à la maison ?
De moins en moins de café à la maison, uniquement quand je reçois des gens ! Ça fait référence à ce moment partagé dont je parlais plus tôt. J’essaye d’être complètement différent de ce que je fais ici, donc pas du tout dans la précision : eau du robinet, réglages à l’arrache, et sans balance ! J’ai aussi redécouvert le thé dernièrement, qui a finalement beaucoup de points communs avec l’univers du café, quand on parle de fermentation, de température d’eau,... c’est assez complémentaire.
As-tu des recommandations de livres, revues, podcasts… ?
Oui ! Alors pour suivre les actualités et grandes tendances qui traversent le café de spécialité, Standart, forcément. Intéressant, bien écrit, super bien documenté. Les réseaux sociaux sont aussi très utiles pour suivre tout ce qui se passe. Pour débuter, je recommande le livre de James Hoffman, The World Atlas of Coffee, c’est le A à Z du café sur les origines et les processus après-récolte. C’est un bon début. Enfin, un podcast que j’adore : Making Coffee de Lucia Solis. Sofia travaillait dans le milieu du vin en Californie et a ensuite décidé de mettre ses connaissances sur les fermentations et les process après-récolte au service du café. Le podcast couvre ses expérimentations, et elle détruit pas mal d’idées ancrées. C’est passionnant !
Thomas, le café parfait existe-t-il ?
C’est celui qui surprend et qu’on arrive à partager. Le moment café partagé, qui fait du bien, et qui est quand même bon car bien fait.
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