Le métier de torréfacteur, c'est quoi ? Interview avec Gonzague Jaret
Gonzague Jaret travaille chez Lomi depuis 2019, où il est responsable logistique et fait également de la torréfaction avec Paul. Avant cela, il a fait sa carrière en banque. Retour sur sa découverte du café de spécialité et sa reconversion professionnelle.
Que fais-tu chez Lomi ? Depuis combien de temps y travailles-tu ?
Je travaille chez Lomi depuis mars 2019 ! D’abord responsable logistique et assistant de production à Paris, je suis maintenant dans la Drôme, au côté de Paul.
Comment s’est passée ta première rencontre avec le café de spécialité ?
Alors, j’ai un parcours atypique..! J’ai 39 ans et je travaille dans le café depuis très peu de temps. C’est une reconversion, puisque pour moi c’était un monde que je ne connaissais presque pas. J’y suis venu il y a environ 3 ans, lorsque j’ai eu l’opportunité d’arrêter ma carrière dans la finance. Je me posais des questions, j’avais des envies de changement, de rupture, sans trop savoir vers quel domaine m’orienter.
C’est finalement une amie, Charline, qui revenait du Timor Oriental où elle avait vécu 10 ans, qui m’a dit : “Gonzague, j’ai découvert le café de spécialité là-bas (elle y avait organisé un festival sur le sujet avec la SCA), je pense que ça c’est un domaine qui va te parler et qui va te plaire”. Ce fut une vraie découverte. Dix jours après, on partait tous les deux à Amsterdam pour le World of Coffee afin de s’immerger et de mieux comprendre ce milieu.
Je suis tombé dessus, non pas en revenant d’Australie ou de Nouvelle-Zélande comme beaucoup dans le café de spécialité, mais plus par curiosité.
Pourquoi savait-elle que ça t’intéresserait ?
Parce que je suis quelqu’un de curieux, qui aime la gastronomie, sans pour autant travailler dans ce domaine-là. Encore une fois, je ne suis pas un “geek” de la cuisine. C’est un milieu que je découvre depuis que je suis dans le café. J’aimais déjà les bonnes choses, et j’ai été conquis par le côté vertueux, la dimension sourcing et terroir du café de spécialité. L'aspect trading du café et la valorisation des producteurs me plaisaient beaucoup. En tout cas, elle a ressenti ça chez moi et effectivement c’est ce qui m’a intéressé dans le café de spécialité. C’est toute cette chaîne de valeur qui permet de mieux rémunérer un travail qualitatif et l’artisanat de manière globale.
Au début, quand nous sommes partis à Amsterdam, notre idée était de se dire : “on va monter une boîte ensemble ! On se connaît, on y va ! “. Si mon amie était plus intéressée par la production du café vert, le développement du café de spécialité au Timor et en Indonésie, j’ai rapidement été attiré par la dimension artisanale du métier de torréfacteur. C’est vraiment ce qui m’a tout de suite le plus séduit !
Tu as donc eu l’opportunité d’effectuer une reconversion professionnelle, comment ça s’est passé ? Comment t’es-tu formé ?
J’ai passé plusieurs semaines avec Charline, cette copine qui revenait de voyage et qui était elle-même en reconversion, à réfléchir à ce que pourrait être notre entreprise dans le café de spécialité. Où, quand, comment? J’ai ainsi occupé une bonne partie de l’année 2018 à voyager en France et en Europe afin d’y rencontrer les principaux acteurs du café de spécialité. L’idée était de découvrir le marché, les intervenants, les freins, les perspectives..
Finalement, c’est à Nantes qu’un torréfacteur local m’a permis de réaliser une immersion de trois mois à ses côtés. C’était une brûlerie à l’ancienne, sur un vieux torréfacteur de 20 kilos et c’est là que j’ai découvert la torréfaction artisanale, sans cropster, sans logiciel, à l’ancienne ! Après cette initiation, la question de la formation s’est rapidement imposée. Je me suis donc renseigné sur des formations. Magic Mike, le technicien de Coutume que j’avais rencontré lors d’un passage à Paris, m’a recommandé sans détours d’aller me former chez Lomi, “il n’y a pas mieux !”. Il ne fut pas le seul à abonder en ce sens. Je m’inscrivais donc à la prochaine session de formation au diplôme de torréfaction Lomi !
Dans l’intervalle, l’idée de l’association avec Charline s’est un peu estompée. J’ai donc poursuivi mon apprentissage par l’introduction au café réalisée à l’académie du café (Cafés Richard), délivrant une première certification SCA. Hasard ou (heureuse) coïncidence, Lomi recherchait un responsable logistique. J’ai postulé et c’est à partir de là que débutait mon aventure Lomi ! C’était en mars 2019, ma formation étant au mois de mai, j’ai pu allier pratique et théorie d’emblée. Dès que je pouvais sortir de mon job et aller sur la torréfaction avec Mik ou sur l’aspect contrôle qualité, je le faisais avec plaisir.
Tu es maintenant en bonne voie pour devenir torréfacteur à 100%, envisages-tu de participer à des concours ?
Il y a encore peu de temps j’aurais répondu non, mais je me rends compte que c’est aussi un moyen de se challenger, non pas pour le côté rayonnement, mais surtout pour progresser.
Mon objectif chez Lomi, c’est vraiment d'acquérir un savoir-faire, et de me perfectionner. Or, les concours restent un super moyen de mesurer objectivement ce savoir-faire. Plus tu vas sur les concours et les championnats, plus tu tires vers l’excellence artisanale et c’est vraiment ce qui me plairait à terme.
Quelles sont les futures étapes pour toi ? Tu en as parlé précédemment, tu souhaiterais monter ton entreprise de torréfaction ?
Oui, dans un horizon à long terme c’est vraiment quelque chose qui a du sens. Pour avoir une identité propre et faire un projet qui me ressemble à cent pour cent. Même si aujourd’hui, je me reconnais très bien chez Lomi, ce sujet viendra par la suite.
Concrètement quand tu rentres dans le café de spécialité, l’un des seuls moyens pour en vivre sur le long terme est de créer ta boîte. Le marché est aujourd’hui construit comme ça.
Tu travailles avec Paul Arnephy qui est donc MOF Torréfacteur, que tires-tu de son expérience ?
Qu’il n’y a pas de place au hasard. Aujourd’hui, je pourrais très bien torréfier du bon café, pour la majorité des gens ce serait très bien, mais on est sur un produit qui est tellement exceptionnel, et qui peut donner tellement plus, qu’il ne faut rien négliger. Chaque paramètre a son importance pour tirer le meilleur de ce produit et c’est ce que Paul m’apprend. C’est vertueux et c’est ça qui me plaît dans l’art du café. On peut aller très loin dans la précision et dans le savoir-faire pour sublimer le café. Paul est comme ça ! Il est passionné, ne se lasse jamais de son métier, et cherche à magnifier le café. Pour moi, c’est ça qui est très encourageant.
Pour toi, le café parfait existe-t-il ?
Non je ne pense pas. Ce serait d’ailleurs flippant voire décourageant pour un torréfacteur ! Il n’y a pas de café réellement parfait, par définition c’est un produit qui est vivant, changeant. Il y a des moments où j’aime un café nature en espresso, parfois j’aime un café lavé. Je n’ai pas d’attentes particulières, un café est bon quand il est équilibré et qu’il répond à tes envies à un moment donné. C’est très subjectif. C’est une question de moment et de lieu. A partir du moment où un café est correctement torréfié, il est bon. Ensuite, l’environnement influence ta manière de le goûter : ton humeur, le temps qu’il fait…
Quelle est ta routine café ?
Moi, c’est café filtre le matin, soit en cafetière classique, soit via une méthode douce comme la V60. J’apprécie parfois un flat white également. L’espresso après le déjeuner reste un incontournable!
As-tu une anecdote à nous raconter lors de ton parcours dans le café ?
Oui : ma première rencontre avec le café de spécialité. C’était au World of Coffee à Amsterdam, le salon mondial du café de spécialité. J’y suis allé sans aucune expérience, c’était la première fois que je goûtais du café de spécialité. J’ai participé à un cupping, et j’ai trouvé ça… franchement pas bon ! Je n’ai pas compris ce que je buvais, je ne captais pas du tout les arômes, on n'y retrouvait pas l'effet “boost”. Un effet qu'on a l'habitude d’avoir en tant que bon buveur de Nespresso. Clairement, je n’ai pas compris ce produit au premier abord. En revanche, le chemin est irréversible. Une fois qu’on a appris à aimer le café de spécialité, il devient impossible de faire machine arrière. Ça m’a vraiment surpris de ne pas tout de suite comprendre ce produit ! C’est à force d’en boire, d'essayer de comprendre ce qui pouvait être différent dans chaque tasse. Je me suis demandé : pourquoi est-ce que mon palais ne comprend pas ? Heureusement, le cerveau fait le travail, il arrive à ranger les informations et finit par appréhender le produit.
Tu as fait, auparavant, des études de droit et de finance. Ces compétences sont-elles utiles pour toi aujourd’hui ?
Concrètement non, ce que j’ai appris sur le fond ne me sert pas. Néanmoins, ces études et cette expérience de “gestion de relation client” m’aident vraisemblablement à interagir et gérer efficacement des clients, comprendre les besoins exprimés. Et je pense qu’à travers mon expérience et la maturité, ça m’apporte une valeur ajoutée dans ma réflexion et dans ma façon de travailler.
Une reconversion est donc possible, surtout quand on tombe amoureux du produit et qu’on est capable de faire certains sacrifices.
Tu as donc déclaré ta flamme au métier. Qu’est-ce qui te plaît le plus dans ce milieu ?
Il y a un côté fun ! C’est sûrement lié à Lomi... je dirais que c’est un équilibre entre la passion et le fait de travailler avec une équipe à la fois très qualifiée, bienveillante, et créative. Paul représente ça, c’est un artiste !
Pour être honnête, ça me change beaucoup de ce que je faisais avant, qui était un milieu plutôt contraint. Les “moments café” sont de bons moments, ça apporte des bonnes sensations et donc de travailler dans cet environnement-là est très plaisant. J’ai cette vision : faire un métier passionnant dans un secteur sympa fait que tu acceptes des sacrifices et que la reconversion est possible. Encore une fois, tout est question d’équilibre. Je ne ferais pas ce métier s’il n’y avait pas d’amusement. Je recherche du fun, de la passion et après, je suis prêt à donner 100% de ma personne.
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