Création d'un Coffee Shop & démocratisation du café de spécialité - ITW
Bastien Frison a rejoint Lomi en mai 2020 pour travailler sur le développement stratégique et digital de l’entreprise. A 35 ans, il a aussi bien dirigé l’activité de conseil du groupe Ducasse qu’ouvert son propre Coffee Shop à Genève, pour lequel Lomi était fournisseur de café. Il nous raconte son parcours alterné entre entrepreneuriat et consulting, et nous fait part de sa vision du café de spécialité ces dernières années.
Quelle est ton histoire personnelle avec le café ?
Comme beaucoup, j'étais fasciné par cette boisson étant petit car elle représentait le monde des adultes. Puis, j'ai été en âge de goûter, avec un sucre trempé dans un mauvais café chez mes grands-parents (rires).
Ensuite viennent les années lycée, où on a un peu de temps à tuer, et on est ravi de découvrir la vie au bistrot. Ce café-là avait plutôt une vocation de "médicament" ou de lien social plutôt qu'une dimension gustative et de plaisir. C'est un produit que j'ai ensuite laissé un peu de côté pendant quelques années, et je suis retombé dedans par l'intermédiaire de Florent, qui fut mon associé chez Birdie. Par son intermédiaire, je me suis plongé dedans, me suis acheté un moulin, me suis baladé de coffee shop en coffee shop… et j'ai fini par en faire un projet professionnel !
Au fil de ta carrière, tu as alterné entre consulting (Ducasse, indépendant), et l'entrepreneuriat avec Birdie Coffee. Comment ces expériences se complètent-elles ?
Effectivement, j'ai alterné entre des positions de consulting et des positions d'entrepreneur, et pas forcément dans le bon ordre. Toutes ces incursions dans le monde de l'entrepreneuriat et dans le secteur de la restauration et de la gastronomie ont été motivées par l'envie de construire des choses et de mener à bien des projets, mais aussi par l'envie de gagner en légitimité et en expertise.
J'ai fait un premier passage de trois ans dans le groupe Ducasse sur les activités de Conseil, à l'issue desquels j'ai ressenti le besoin de me former techniquement aux bases des métiers de la cuisine. C'est donc là que j'ai monté Birdie Food & Coffee à Genève, avec la dimension gestion mais aussi l'exploitation au quotidien. Mon associé était dédié aux sujets du café, et c'est là que je suis tombé dans la marmite du café de spécialité. Je me suis tellement pris au jeu que je me suis formé en tant que barista, j'ai pris des shifts au bar derrière la machine, je me suis pris des sacrés rushs, mais c'est formateur ! Je suis allé jusqu'à m'inscrire à des compétitions de barista, notamment dans la catégorie "Coffee in good Spirits", pour laquelle je me suis retrouvé propulsé champion de Suisse en 2017, avec un café de chez Lomi ! Il se trouve que cette même année 2017, Mikaël PORTANNIER était champion de France Coffee in Good Spirits pour la deuxième année consécutive, pour Lomi également. On s'est retrouvés tous les deux à représenter Lomi aux mondiaux de Budapest, lui pour la France et moi pour la Suisse. C'était chouette !
A l'issue de cette parenthèse opérationnelle Birdie, j'ai été sollicité pour reprendre la direction de Ducasse Conseil, chose que j'ai faite pendant quasiment trois ans, avant de replonger une fois de plus corps et âme dans l'entrepreneuriat en rejoignant Lomi.
Au vu de ton parcours, peux-tu nous dire comment on se forme aux métiers de restauration quand on n'a pas un parcours académique lié ?
Les métiers de l'hospitalité au sens large restent des métiers de passionnés en premier lieu, qui peuvent être très contraignants et difficiles. Il faut vraiment aimer ça, montrer un réel attrait et une vraie curiosité : aller rencontrer les producteurs, les restaurateurs, se balader sur les marchés...
Je reste persuadé que les métiers de restauration ont encore besoin d'une forte structure dans l'approche, de sorte que chacun puisse exercer le métier qui est le sien, dans son paramètre défini. Un cuisinier ne sera jamais aussi bon que lorsqu’il est derrière les fourneaux, qu’il gère son produit du producteur à l'assiette. On ne peut pas lui demander d'être une star en cuisine, et de maîtriser le business plan et la stratégie marketing ; et c'est bien normal ! C'est là que des gens comme moi, ayant un bagage en école de commerce, peuvent apporter quelque chose.
Justement, peux-tu nous parler un peu de la culture du café en Suisse ?
C'est un pays qui consomme énormément de café par habitant ! Les champions européens de la consommation de café per capita sont les scandinaves. Les Suisses consomment bien plus de café en quantité par tête de pipe que les Italiens ou les Français.
La Suisse a une histoire liée au café pour plusieurs raisons. D'abord, son emplacement géographique. Il y a naturellement une croisée des influences italiennes, françaises et allemandes, avec des manières de consommer le café qui sont assez différentes. La Suisse a développé sa propre manière de consommer le café sur ces bases-là. Quand on rentre dans un établissement de restauration en Suisse et qu'on demande un café, ce n’est pas un espresso qui nous est servi mais un café allongé. On voit bien ce côté un peu tiraillé entre le ristretto à l'italienne, l'espresso à la française, et le café plus allongé à l'allemande.
Ensuite, la Suisse a toujours été une place forte de trading de matières premières, et ce sur toute la zone lémanique qui va de Genève à Lausanne. Historiquement, on compte un tas de très grosses sociétés mondialement connues qui traitent, vendent du café et sont implantées là bas, et en parallèle beaucoup de torréfactions ou brûleries artisanales.
Enfin, il y a un énorme savoir-faire en Suisse concernant les machines et les équipements. Tout un tas d'équipementiers ont leur implantation en Suisse. C'est un petit pays, mais une place incontournable du café à l'échelle européenne et même mondiale.
As-tu constaté dans ces dernières années un changement dans l'image qu'ont les Français du café ?
Très clairement, oui ! Il y a eu une émergence d'acteurs 100% café de spécialité. La France a toujours eu une tradition de consommation de café venant en particulier de son histoire coloniale avec l'accès à la matière première. Il y a toujours eu des brûleries de quartier, mais plus récemment il y a eu l'apparition d'acteurs dans le café de spécialité, dont Lomi, qui ont pour vocation de rendre accessible et traçable le café de qualité. On a donc assisté à un boom d'ouverture de Coffee Shops spécialisés et à l'ouverture de micro-torréfactions artisanales : d'abord à Paris, puis en province. Cette émulation participe à une prise de conscience autour du café : ce n'est pas simplement un produit qu'on retrouve tous les matins sur la table du petit déjeuner, ou après chaque déjeuner au restaurant. Non, c'est un produit agricole qui a une histoire, du savoir-faire, différentes étapes de transformation. Cette chaîne de valeur est fascinante et de plus en plus de personnes s'en rendent compte. Ceci étant dit, chez Lomi, nous avons une mission qu'on réaffirme sans cesse, qui est de rendre le café de grande qualité accessible à tous.
Le café dit "de spécialité" n'est plus cantonné aux murs des Coffee Shops spécialisés, on le retrouve désormais dans des restaurants et des bars, des ponts se créent naturellement avec des cuisiniers, des brasseurs, des chocolatiers et pâtissiers. Cet effort global est en train de payer et de plus en plus de gens font le choix d'un bon café fraîchement torréfié, par des artisans, avec un savoir-faire reconnu.
En ce sens, le café de spécialité a selon toi sa place dans les restaurants gastronomiques...
Effectivement ! Je pense qu'il a toute sa place, et j'ose espérer que tout restaurateur digne de ce nom, haute gastronomie ou non, sera amené à proposer un café de grande qualité à ses clients. De mon point de vue, une attention particulière doit être portée au choix des matières premières. C'est un non-sens total de travailler des produits frais en pleine saison avec une vraie volonté de mise en valeur dans l'assiette, d'appliquer une démarche de pêche de saison, de légumes bio, etc, et de ne pas appliquer la même démarche au café.
C'est à nous, torréfacteurs de café de spécialité, de participer à cette éducation et démocratisation, pour que tous les professionnels et particuliers réalisent que ce n'est pas un produit qui pousse tel quel, mais qu'il y a bien une chaîne de transformation. Tous les professionnels des métiers de bouche peuvent et devraient être de vrais prescripteurs.
Du côté des particuliers, qu'est-ce qui justifie que le café de spécialité se retrouve sur leurs étagères ?
Une fois de plus, la question de la responsabilité de notre consommation, et de la qualité intrinsèque du produit. On assiste, et tant mieux, à une prise de conscience des consommateurs (du moins, à ceux qui peuvent se le permettre économiquement) quant à notre manière de nous nourrir, et je souhaite que ça puisse s'élargir à un maximum de monde. J'ai été assez picousé par la philosophie Ducasse en ce sens, mais j'adhère vraiment au "je suis ce que je mange" ! Ceci étant dit, et c'est notre position, il faut faire attention à ce que le café de spécialité ne devienne pas clivant sous couvert d’une trop grande technicité. Il faut que ça reste un produit simple, convivial, fun. C'est un moment où on se met ensemble, on partage, on discute. Il n'y a qu'à regarder toute la vie qui se crée autour de la pause café en entreprise. Le café est convivial et sympa, mais ça reste un produit de bouche et nous visons la qualité et l'excellence.
Bastien, le café parfait existe-t-il ?
Je pense que je vais rejoindre pas mal de mes collègues sur ce point. Je ne crois pas que le café parfait existe, c'est une quête perpétuelle. La magie du mot café, c'est que c'est un mot-valise qui correspond à beaucoup de réalités. Il n'existe pas un seul type de boisson "café", entre l'espresso, les cafés plus allongés, les filtres, etc. ça désigne aussi un moment, un lieu… C'est plutôt une quête, et c'est tant mieux, parce que ça serait frustrant de se dire qu'on a tiré son golden shot d'espresso et qu'on peut se retirer de la scène. Au contraire, tout barista ou tout amateur de café va chercher à obtenir la meilleure extraction et la meilleure tasse possible. Ce qui m'intéresse, c'est la conjonction d'une bonne tasse, du bon lieu, et des bonnes personnes avec qui le partager.
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